L’intérêt général
L’infolettre précédente a été consacrée à la rue Émile-Durkheim et aux châtaigniers, arbres emblématiques de Châtenay-Malabry. Elle nous a rappelé l’importance des valeurs partagées pour garantir la pérennité de la vie en société.
Dans la quatrième édition des Échos de la Butte Rouge, nous vous emmenons dans le Parc Léonard-de-Vinci, un lieu propice aux promenades automnales. Nous vous invitons à découvrir ce que le chêne sait de l’intérêt général et à commémorer les personnalités qui le défendent, parfois au prix de leur vie.
Les chênes de Vinci
Les chênes se dressent majestueusement dans le parc Léonard-de-Vinci en haut de la Butte Rouge. On imagine bien l’artiste de la Renaissance s’émerveiller devant ces arbres centenaires qui font la fierté de la cité-jardin : « Elle a été construite dans le bois. Avec le respect des arbres. (…) On ne se disait pas à l’époque, oh on coupe, ça ne fait rien. Non. Il y avait du respect des arbres dans la construction. » (Michèle, ancienne habitante).
La Butte Rouge offre aux chênes une profusion d’espace et de lumière que cette essence ne trouvait autrefois que dans les forêts éclaircies par le bétail des hommes. Aux temps où le chêne était autant apprécié pour ses fruits que pour son bois si solide. Avant que les chênes ne soient sacrifiés pour devenir des navires de guerre en quête de nouveaux mondes, ils servaient à bâtir des cathédrales. Les hommes disaient la justice sous leur égide. Attirant la foudre naturellement, le chêne était associé aux dieux du ciel depuis l’Antiquité. C’est qu’aucune décision engageant la destinée d’une collectivité n’était prise à la légère, sans le conseil du Très Haut, sous peine d’attirer sa colère. Le marteau du juge ou du président d’assemblée en est un lointain écho, il était souvent façonné avec un manche en bois de chêne. Aujourd’hui encore, il symbolise la décision, l’arbitrage d’un groupe sous l’autorité d’un chef qui veille ainsi à l’intérêt général.
La préservation des grands chênes, comme bien d’autres arbres lors de la construction de la Butte Rouge, témoigne de cette compréhension profonde des lieux dans la longue durée, notamment par le paysagiste André Riousse. Ces arbres qui forcent le respect se déploient également dans le square Henri-Sellier où ils tempèrent la spectaculaire Demi-Lune sur ses troncs pilotis.
La liberté
Le sculpteur Karl-Jean Longuet (1904-1981) était l’arrière-petit-fils de Karl Marx et le fils de Jean Longuet, maire de Châtenay-Malabry entre 1925 et 1938. L’œuvre de l’artiste est profondément marquée par ses engagements politiques pour la liberté. En témoignent ses sculptures dédiées à la Commune de Paris et à Victor Schoelcher pour sa lutte contre l’esclavage. La statue monumentale en bronze installée dans le parc Léonard-de-Vinci honore la mémoire du président chilien, Salvador Allende, disparu lors du coup d’état du dictateur Augusto Pinochet, le 11 septembre 1973. Il s’agit d’une commande de la Ville de Châtenay-Malabry réalisée à titre posthume d’après maquette.
L’œuvre commémore l’homme sous la forme d’un arbre levant ses branches
au ciel. Fusionnant volumes géométriques et formes organiques, la sculpture sied bien à la Butte Rouge qui marie avec audace l’héritage anglais des cités-jardins à l’architecture sobre du Bauhaus moderne. Sur le plan symbolique, elle semble faire écho à l’antique figure de l’orant, ainsi qu’à l’icône de l’arbre foudroyé. La foudre figurant ici aussi bien la chute du grand homme que la promesse d’une justice du ciel.
Á l’automne, au moment où chutent les feuilles des nombreux arbres présents dans toute la cité, la sculpture de Karl-Jean Longuet porte en elle les prémices du printemps, quand les feuilles renaîtront de nouveau. Elle nous rappelle que la vie est un cycle, que la mort est suivie de résurrection et que la pensée humaniste, qui est aussi à l’origine des logements collectifs de la Butte Rouge, n’a pas dit son dernier mot.
Rassemblement
autour des arbres de la Butte Rouge
30 janvier 2021
Actualités
L’avenir de la Butte Rouge se joue désormais au Conseil d’État.
Le classement au rabais de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry permettra de détruire 50% de la Cité-jardin, tout en ne protégeant que partiellement les 50% restants : des associations locales et nationales ont déposé un recours au Conseil d’État contre un arrêté de classement partiel en Site Patrimonial Remarquable (SPR) promulgué par Madame Rachida Dati.