Echos de la Butte Rouge n° 2 – Saison 2

Sommaire

Editorial

ECHOS DE LA BUTTE ROUGE

Saison 2 – n°2                                                                                                       10 octobre 2025

La démocratie incarnée

 

   Chères lectrices, chers lecteurs,

Dans l’Espace Projet, situé près de la crèche Magdeleine-Rendu à deux pas de la place François-Simiand, vous pourrez bientôt admirer la grande maquette beige du projet de réhabilitation de la Butte Rouge. À première vue, elle semble restituer fidèlement l’ensemble urbain. Mais un détail saute aux yeux : de nombreux bâtiments sont désormais marqués d’une pastille bleue. Ces pastilles représentent des constructions neuves ou densifiées-surélevées à la place du bâti historique.

À l’entrée de l’exposition, une affiche cite la référence censée guider ce projet : la Charte de Nara sur l’authenticité. Juste au-dessus, une phrase introductive résume la démarche : « Trois étapes indispensables doivent être réalisées pour juger de l’authenticité d’une oeuvre et pour envisager sa réhabilitation : connaître, comprendre, interpréter ».

Mais que nous dit vraiment cette charte ?

Adoptée en 1994 à Nara (Japon), sous l’égide de l’UNESCO et de l’ICOMOS, la Charte de Nara reconnaît que l’authenticité du patrimoine ne se résume pas à ses matériaux ou à sa forme. Elle inclut aussi les valeurs sociales, culturelles et spirituelles portées par chaque société. Elle a été pensée pour que les approches occidentales plus matérialistes ne soient pas les seules à définir ce qu’est le patrimoine.

Dans cette infolettre, nous vous invitons à réfléchir à l’usage qui est fait de cette charte pour justifier démolitions et altérations. Et à comprendre pourquoi respecter la mémoire « rouge » de la Butte est vital pour notre démocratie. 

Bonne lecture !

Association Châtenay Patrimoine Environnement

Quand démolir est « préserver »

ACTUALITÉS

Le projet de réhabilitation de la Butte Rouge a été présenté au public le 20 septembre 2025, avec l’affirmation qu’il « fait désormais consensus » et « ne fait plus l’objet d’aucun recours ».

Nous rappelons pourtant que le classement partiel de la Butte Rouge en Site Patrimonial Remarquable (SPR) — à hauteur de 50% du site, et contraire à l’avis de la commissaire enquêteure à l’issue de la première enquête publique — fait actuellement bien l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Ce classement partiel permet en effet de justifier les nombreuses démolitions annoncées, désormais décrites comme pleinement « assumées » par les porteurs du projet.

Sur le détail ci-contre, on aperçoit clairement la cohabitation projetée entre des constructions neuves ou à volumes modifiés et la préservation partielle de bâtiments historiques.

Une affiche placée à l’entrée de l’exposition résume la philosophie du projet : « Il faut regarder le site avec objectivité, identifier ce qui a vécu et ce qui peut subsister, pour exploiter les dynamiques de transformation avec l’objectif d’origine toujours actuel : Bien vivre ensemble. »

La Charte de Nara élargit l’authenticité à l’ensemble des dimensions qui donnent sens à une œuvre patrimoniale : forme, usage, cadre, techniques, mémoire, esprit du lieu. Elle appelle à préserver ces éléments dans leur contexte culturel d’origine.

Peut-être avons-nous mal compris Nara. Il s’agirait de préserver ici l’esprit d’un lieu tout en supprimant les formes mêmes qui l’incarnent ? Et de réinterpréter l’idéal de justice sociale porté par la Butte Rouge du Front Populaire en « Bien Vivre Ensemble » municipal, détaché de l’œuvre globale et de son histoire ?

Pour vous faire une idée concrète de ce que signifie réellement une continuité de l’authenticité sans divorcer le sens de la matière, nous vous invitons à suivre notre parcours de promenade au cœur de l’histoire sociale de la Butte Rouge. Car le génie de cette cité-jardin réside dans l’intégration harmonieuse d’un projet démocratique à son architecture, son urbanisme et son paysage comme les membres indissociables d’un corps.

C’est précisément pour protéger cette cohérence que la commissaire enquêteure n’a pas approuvé le classement SPR partiel, aujourd’hui contesté devant le tribunal — afin de préserver l’intégralité de la cité-jardin de toute démolition et démembrement.

Quand la mémoire voit rouge

MÉMOIRE EN CHANTIER

Plusieurs grandes villes européennes assument pleinement leur héritage “rouge” du XXᵉ siècle.

À Berlin, les ensembles modernistes de l’entre-deux-guerres — Britz, Hufeisensiedlung, Siemensstadt — ont été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Leur restauration minutieuse met en valeur l’utopie d’un logement social sain, lumineux et collectif, symbole d’une démocratie urbaine issue de la République de Weimar.

À Vienne, la « Vienne rouge » des années 1920-1930 est devenue un pilier de l’identité urbaine : les grandes oeuvres urbanistiques comme le Karl-Marx-Hof ou le Sandleitenhof sont préservés, valorisés, documentés, et leurs musées retracent la vision sociale d’une ville juste et égalitaire.

Ces métropoles montrent qu’il est possible de faire œuvre de mémoire, en reconnaissant dans l’architecture ouvrière et sociale non pas un vestige à dissimuler derrière des non-dits, comme un secret de famille, mais un patrimoine vivant, porteur de valeurs démocratiques — un modèle de dignité et de cohésion toujours d’actualité.

Nous en avons témoigné tout au long de la saison 1 de nos infolettres.

Alors, quelle histoire raconte aujourd’hui la promotion de la “Cité-Jardin du Bien Vivre Ensemble” ?
Valorise-t-elle l’authentique mémoire de la Butte Rouge, ou met-elle en scène une continuité de façade ?

Une toponymie en terre et en os

GÉNIE DU LIEU

Témoignage

Jean-Claude, ancien conseiller municipal et maire-adjoint de Châtenay-Malabry (1977 à 2001), habitant de la Butte Rouge de très longue date, prend soin de la mémoire de ce lieu avec une connaissance intime et précise : 

« La station « Cité-Jardin » de la ligne de tram, c’est un lieu anonyme, pourtant la Butte Rouge figure dans les annales historiques de Châtenay-Malabry publiées par l’Office du tourisme de Châtenay en 1988. Le 20 juin 1791, alors que Louis XVI et sa famille fuient Paris, un voiturier transportant des armes sera intercepté à Châtenay-Malabry, à la Butte Rouge. Le lieu était donc déjà nommé ainsi, tous ceux qui ont habité à la Butte Rouge se souviennent de la couleur rouge de la terre, nous les enfants, on faisait des figurines de terre glaise avec.

La cité de la Butte Rouge a sa mémoire dans les habitations, dans le paysage, chez les habitants. Elle se trouve aussi dans les noms des rues, des squares, des allées. Ceux qui l’ont conçue et qui ont accompagné le projet, la mairie et les élus d’alors avaient à coeur d’honorer ceux qui avaient contribué à promouvoir les droits des travailleurs et des classes modestes et à améliorer leur sort.

Aujourd’hui, le tram, toujours lui, a déconnecté les stations de leur ancrage dans la Butte, par exemple, l’arrêt qui correspond à la rue du Général-Duval, un général de la Commune, s’appelle « Les Peintres ». Les habitants ne savent pas ce que c’est que cet arrêt, cela ne leur dit rien. Ou bien, arrêt suivant du tram, une autre figure de la Commune, Francis de Pressensé a disparu au profit de « Vallée aux Loups », même Salvador Allende a disparu, l’arrêt a été baptisé « La Piscine ».

C’est comme si un fil était rompu, cette mémoire, ceux qui étaient là avant nous nous l’avaient transmise, et nous on en a fait autant avec la génération qui nous suit ».

A ne pas manquer dimanche prochain !

Sauvons la cité-jardin de la Butte Rouge

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